Armaggedon Empires
Les rêves perdus de l'Empereur (1ère partie)
Je m'appelle April.
Si ma mémoire voulait bien remonter encore ne serait-ce que trois jours plus tôt, je saurais alors me définir comme étant l'Empereur, l'Empereur de la puissante faction humaine. Dans ce monde dévasté envahi par des horreurs que l'Humanité n'avait jamais envisagées, j'étais le garant de l'Ordre, et nos actions visaient toutes à maintenir, même illusoirement, l'idée de quelque chose de "normal" dans cet univers devenu fou.
Mais mon esprit est comme brouillé, désormais, tellement désorienté que j'éprouve cette sensation étrange de ne plus savoir si ma vie jusqu'ici ne représentait qu'un rêve, ou si ce sont les récents événements qui ne sont pas réels.
Je ne comprends pas comment nous n'avons pas su voir arriver cette attaque, comment nos agents, nos observateurs, nos détecteurs n'ont pu prévenir tout cela. Mais peut-être qu'entre toutes les menaces, la démesure grossière, d'une brutalité primitive, est-elle la moins prévisible. Peut-être que rien ne peut réellement nous préparer à la sauvagerie presque suicidaire de hordes incompréhensibles.
Les faits sont là. Irréfutables.
Je sens le regard de Vincent peser sur moi. Lui rendre ce regard m'est tellement pénible que je préfère jouer encore un moment avec ce stylo, fixant absurdement mon attention sur sa pointe rétractable, comme si cela constituait un spectacle digne d'un quelconque intérêt.
Si ma mémoire voulait bien remonter encore ne serait-ce que trois jours plus tôt, je saurais alors me définir comme étant l'Empereur, l'Empereur de la puissante faction humaine. Dans ce monde dévasté envahi par des horreurs que l'Humanité n'avait jamais envisagées, j'étais le garant de l'Ordre, et nos actions visaient toutes à maintenir, même illusoirement, l'idée de quelque chose de "normal" dans cet univers devenu fou.
Mais mon esprit est comme brouillé, désormais, tellement désorienté que j'éprouve cette sensation étrange de ne plus savoir si ma vie jusqu'ici ne représentait qu'un rêve, ou si ce sont les récents événements qui ne sont pas réels.
Je ne comprends pas comment nous n'avons pas su voir arriver cette attaque, comment nos agents, nos observateurs, nos détecteurs n'ont pu prévenir tout cela. Mais peut-être qu'entre toutes les menaces, la démesure grossière, d'une brutalité primitive, est-elle la moins prévisible. Peut-être que rien ne peut réellement nous préparer à la sauvagerie presque suicidaire de hordes incompréhensibles.
Les faits sont là. Irréfutables.
Je sens le regard de Vincent peser sur moi. Lui rendre ce regard m'est tellement pénible que je préfère jouer encore un moment avec ce stylo, fixant absurdement mon attention sur sa pointe rétractable, comme si cela constituait un spectacle digne d'un quelconque intérêt.
Vincent Meis, depuis combien de temps sert-il l'Empire ? A lui seul, par ses capacités d'organisation, il accroît nos capacités d'intervention. Vincent, si méticuleux que les troupes peuvent aller plus loin, sans avoir à craindre de manquer de support. Si cette folie nous l'avait enlevé...
Le bruit métallique du stylo que je pose sur mon bureau, devant moi, me tire quelque peu de ma torpeur, et je trouve enfin la force de regarder l'homme si fidèle qui me fait face, et qui se contente de ne rien dire depuis plus de trois quarts d'heure. Je le connais si bien. Il aurait pu rester comme ça, sans prononcer une parole, pendant des heures.
Je suis presque étonné par le son de ma voix. Une voix âpre, comme marquée par un excès d'alcool.
"Sait-on seulement où nous sommes ?"
Vincent me fixe du regard avec cette intensité qui n'appartient qu'à lui, qui semble traverser les gens et voir les intentions et les affects derrière chaque inflexion de voix, chaque pli de la peau sur le visage.
"Quelque part au sud du Wasteland, mon Seigneur, finit-il par dire d'une voix affreusement calme. Nous avons trouvé refuge dans les ruines d'un Palace Impérial".
Il me tend un papier. Des chiffres. Implacables.Je suis presque étonné par le son de ma voix. Une voix âpre, comme marquée par un excès d'alcool.
"Sait-on seulement où nous sommes ?"
Vincent me fixe du regard avec cette intensité qui n'appartient qu'à lui, qui semble traverser les gens et voir les intentions et les affects derrière chaque inflexion de voix, chaque pli de la peau sur le visage.
"Quelque part au sud du Wasteland, mon Seigneur, finit-il par dire d'une voix affreusement calme. Nous avons trouvé refuge dans les ruines d'un Palace Impérial".
Meis reprend, soucieux sans doute de ne pas laisser le silence s'installer à nouveau.
"On ne peut se bercer d'illusions, mon Seigneur, cet endroit n'est qu'un pis-aller. Il a des entrées partout et n'offre qu'une faible protection contre l'espionnage et le sabotage, et on ne pourra pas établir énormément d'annexes à cause de la place limitée. Mais la structure est saine et...
- Et nous n'avons pas le choix."
Il plisse les yeux, et finit par hocher la tête.
"En effet, mon Seigneur".
On se regarde un moment tous les deux. On dit parfois que les paroles sont superflues entre deux personnes qui se connaissent parfaitement. Non seulement cette affirmation est vraie, mais je me rends alors compte de l'importance qu'elle prend dans des situations aussi terribles. Vincent devine ce qui me hante, ce qui me bloque et m'empêche d'aller de l'avant.
Je l'ai rarement vu hésiter à dire quelque chose qu'il juge utile d'énoncer, c'est pourtant le cas ce matin. Il faut une forme aiguë de courage, je suppose, pour être capable de dire les paroles suivantes:
"Elle n'a pas survécu, mon Seigneur".
Une seule phrase. De simples mots.
Ils me prennent à la gorge comme des doigts squelettiques, prêt à me tuer. Je la connaissais à peine, c'est vrai, et pour être tout à fait exact, nous n'avions même pas eu l'occasion de mettre au clair ce que nous ressentions l'un pour l'autre.
Mes yeux scrutent les prunelles de Vincent Meis.
Le vieux serviteur de l'Empire ne baisse jamais le regard, et il ne faut y voir aucune forme d'arrogance ou de confiance en soi insupportable. En l’occurrence, je sais parfaitement que cet homme là n'a jamais fui ses responsabilités face au destin de l'Empire. Quelles que soient les circonstances.
Sans même m'en rendre compte, ma main passe devant mon visage, plusieurs fois, et je finis par me frotter les yeux avec le pouce et l'index. Lorsque je regarde à nouveau Vincent, rien dans son expression ni son maintien n'a changé.
"De quelles forces disposons-nous encore ?", lui demandé-je finalement, retenant un soupir.
"On ne peut se bercer d'illusions, mon Seigneur, cet endroit n'est qu'un pis-aller. Il a des entrées partout et n'offre qu'une faible protection contre l'espionnage et le sabotage, et on ne pourra pas établir énormément d'annexes à cause de la place limitée. Mais la structure est saine et...
- Et nous n'avons pas le choix."
Il plisse les yeux, et finit par hocher la tête.
"En effet, mon Seigneur".
On se regarde un moment tous les deux. On dit parfois que les paroles sont superflues entre deux personnes qui se connaissent parfaitement. Non seulement cette affirmation est vraie, mais je me rends alors compte de l'importance qu'elle prend dans des situations aussi terribles. Vincent devine ce qui me hante, ce qui me bloque et m'empêche d'aller de l'avant.
Je l'ai rarement vu hésiter à dire quelque chose qu'il juge utile d'énoncer, c'est pourtant le cas ce matin. Il faut une forme aiguë de courage, je suppose, pour être capable de dire les paroles suivantes:
"Elle n'a pas survécu, mon Seigneur".
Une seule phrase. De simples mots.
Ils me prennent à la gorge comme des doigts squelettiques, prêt à me tuer. Je la connaissais à peine, c'est vrai, et pour être tout à fait exact, nous n'avions même pas eu l'occasion de mettre au clair ce que nous ressentions l'un pour l'autre.
Mes yeux scrutent les prunelles de Vincent Meis.
Le vieux serviteur de l'Empire ne baisse jamais le regard, et il ne faut y voir aucune forme d'arrogance ou de confiance en soi insupportable. En l’occurrence, je sais parfaitement que cet homme là n'a jamais fui ses responsabilités face au destin de l'Empire. Quelles que soient les circonstances.
Sans même m'en rendre compte, ma main passe devant mon visage, plusieurs fois, et je finis par me frotter les yeux avec le pouce et l'index. Lorsque je regarde à nouveau Vincent, rien dans son expression ni son maintien n'a changé.
"De quelles forces disposons-nous encore ?", lui demandé-je finalement, retenant un soupir.